Lire - Charles Bukowski

Vous trouverez dans cette rubrique, une sélection de poèmes de Charles Bukowski.

TROP

Brawdley était un brave type

aussi normal qu'une bouillotte

puis il

a pris des kilomètres au compteur

et commencé à avoir peur de

veillir

à enfourner des vitamines comme des

cacahuètes

quand j'ai été le voir

chez lui c'était plein de

fonte

il soulevait de la fonte

et

à chacune de mes visites

je remarquais qu'il

devenait

plus gros et plus

bleu :

une masse

métallique

ses yeux lui

rentraient

dans le

front

son sourire se

tordait

comme

un

élastique

il huilait son

corps

et se regardait dans

les

glaces

je ne savais plus

qui il

était

il soulevait

soulevait et

soulevait

et se regardait

se regardait et

se regardait

il m'a dit :

tu devrais

t'y mettre, c'est

comme une

renaissance.

à un de ces jours

je lui ai

dit.

maintenant quand on me

demande : tu as vu

Brawdley

recemment ?

je réponds :

pas vraiment

et on passe

à des sujets

plus intéressants

comme

le Nucléaire

l'Hiver.

Conseil Amical à un Tas de Jeunes Gens

Allez au Tibet.

Faites du chameau.

Lisez la bible.

Teintez vos chaussures en bleu.

Laissez vous pousser la barbe.

Faites le tour du monde en canoé de papier.

Abonnez vous au Saturday Evening post.

Ne mâchez que du côté gauche de la bouche.

Epousez une unijambiste et rasez-vous avec un coupe-chou.

Et gravez votre nom sur son bras.

Brossez vous les dents à l'essence.

Dormez toute la journée et grimpez aux arbres la nuit.

Faites vous moine et buvez des chevrotines et de la bière.

Mettez la tête sous l'eau et jouez du violon.

Faites la danse du ventre devant des bougies roses.

Tuez votre chien.

Présentez vous comme maire.

Vivez dans un tonneau.

Fendez-vous la tête avec une hachette.

Plantez des tulipes sous la pluie.

Mais n'écrivez pas de poésie.

C. Bukowski  (1972)

Ils écrivent

et pissent des poèmes -

les jeunes gens et les professeurs de Fac

les femmes qui boivent du vin tout l'après-midi

pendant que leurs maris travaillent,

ils écrivent

et toujours les mêmes noms dans les mêmes

magazines

et chacun écrit de pire en pire chaque année

ils font paraître de nouvelles anthologies de

poèsie

et, en conséquence, ils pissent davantage de

poèmes

c'est comme un concours

mais quel est l'enjeu ?

Ils n'écriraient pas des nouvelles ou des articles

ou des romans

non

ils pissent juste

des poèmes

ils se ressemblent de plus en plus les uns les

autres

pour se ressembler de moins en moins chacun

et si quelques uns de ces jeunes gens se lassent

et abandonnent

les professeurs eux n'abandonnent jamais

et les femmes qui boivent du vin tout l'après-

midi

elles non-plus n'abandonnent jamais jamais

et de  nouveaux jeunes gens surgissent avec de

nouvelles revues

et ils publient quelques lettres de poètes,

hommes ou femmes

et un peu de porno

et l'ensemble est prodigieusement ennuyeux.

Quand on leur retourne leurs poèmes

ils les retapent

et les renvoient à la revue suivante sur leur

liste,

et ils donnent des lectures

toutes les lectures qu'ils peuvent

gratuitement

espèrant que quelqu'un finalement les

entendra

finalement les applaudira

finalement les félicitera et reconnaîtra leur

talent

ils sont tous si sûrs de leur génie

ils n'ont pas le moindre doute,

et la plupart d'entre-eux vivent à North-Beach

ou à New-York,

et leurs visages ressemblent à leurs poèmes,

pareillement,

ils se connaissent les uns et les autres et

se réunissent et se haissent et s'admirent et

s'excluent

et pissent toujours plus de poèmes

toujours plus

toujours plus

le concours des nullards :

tap, tap, tap, tap, tap, tap

tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap, tap.

C.BUKOWSKI  1977